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Hébergement d’urgence et immigration : lettre ouverte du Président et du Directeur général

"Réussir l’insertion, maintenir l’accueil humanitaire dans toutes les situations : les enjeux de l’hébergement d’urgence."

L’urgence sociale répond à une obligation humanitaire évidente d’accueil et de mise à l’abri.
L’urgence sociale participe à ce titre au bon équilibre social d’un territoire.

Mais l’enjeu de cette période est aussi de permettre une rencontre avec des travailleurs sociaux qui manifestent à la fois la reconnaissance due à toute personne en difficulté, nouent une relation de confiance préalable à la construction d’un bilan de la situation sociale économique familiale et juridique afin de préparer un projet de vie, si possible en rapport avec les capacités des personnes et fondé sur un principe de réalité.

Or à bien des égards, les travailleurs sociaux sont confrontés à des difficultés qui limitent la portée de leur intervention, posant tant la question du sens de leur mission que de l’éthique qui y est attachée.

Trop souvent, l’arrivée dans l’urgence illustre un dysfonctionnement des mécanismes de prévention des expulsions de logements, alors que l’insertion par le logement et vers l’emploi est long.

S’agissant des personnes en difficulté de séjour, les travailleurs sont confrontés au paradoxe de dispositions législatives dont ils doivent assurer souvent seuls la conciliation entre services publics chargés du séjour et personnes étrangères dans l’impasse.

Certes les dispositifs sur l’accès au logement s’améliorent et la réflexion sur le retour à l’emploi avance, ce qui donne une perspective aux associations de disposer d’outils nouveaux pour les personnes disposant de droits complets.
 

Cependant, malgré une création indéniable de places dédiées aux demandeurs d’asile depuis quelques années, comme dans l’urgence sociale dont les principaux bénéficiaires sont bien les étrangers en situation de droits incomplets, l’impasse traditionnelle demeure entre hébergement anonyme et inconditionnel et textes relatifs à la régularité de séjour.

Il s’agit bien de redonner au travail social tout son sens, de préserver la qualité du travail d’une profession indispensable, de conserver l’attractivité de ces métiers qui concourent largement à la paix civile ; il s’agit aussi de définir plus clairement le rôle de l’hébergement d’urgence par rapport à la question de l’immigration.
 

1.   L’Urgence sociale révélateur de dysfonctionnements de nos institutions sociales en amont et en aval 

Il faut garder à l’esprit que près de 80 000 résidents en France, insérés juridiquement, recourent chaque jour à l’urgence et que cette demande est bien le signe du dysfonctionnement des mécanismes de prévention : loyers impayés, violences faites aux femmes, accidents économiques, ruptures familiales, décohabitation des jeunes.
La sortie minoritaire vers un emploi et un logement reste la marque de nos dispositifs d’urgence ; demeurer plus de 18 mois en CHRS n’est aussi pas rare.
 
Il faut ainsi donner tout leur développement aux politiques de maintien dans le logement, presque une condition de la réussite des politiques du logement d’abord, quand on sait que des études ont montré que près d’un tiers des hébergés en CHRS avaient connu un logement autonome en proximité et l’avaient perdu.

Mais il faut tout autant, quand l’enjeu est bien le retour à l’autonomie économique des populations hébergées dans l’urgence sociale (rapport Guilly), s’interroger sur la présence dans nos CHRS par exemple, souvent d’un grand nombre de personnes qui ont un emploi ou suivent une formation rémunérée.

La prise de conscience de l’enfermement de nos concitoyens dans des territoires et des situations sociales, économiques, sanitaires et de logement, inadaptées doit demeurer aussi une focalisation des associations qui accompagnent les pouvoirs publics dans la mise en œuvre des politiques sociales, qu’elles relèvent de l’État, des collectivités locales, des OSS ou des bailleurs sociaux.
 

L’urgence sociale gagnerait à retrouver son sens, sa philosophie, sa mission. De la maraude dans les rues à la mise à l’abri humanitaire et à la réinsertion, le traitement social de la situation doit être une approche transversale qui guide l’accueil en hébergement d’urgence. L’autonomie recherchée des bénéficiaires et leur retour à l’emploi, et au logement d’abord, doivent être la préoccupation première des opérateurs et des financeurs. Ceci induit manifestement des coûts supplémentaires pour renforcer l’accompagnement social et, sans doute aussi, un renforcement des politiques de formation dans les associations, la mise en place de partenariat entre l’urgence sociale et les acteurs de l’insertion sur le terrain. C’est bien le succès de cette mission qui rend aussi légitime la solidarité que constitue l’accueil des migrants.

Cette préoccupation qui concerne les personnes ayant une situation administrative complète ne doit en aucun cas exclure de son champs la question de l’étranger à la rue. Cependant, assigner l’étranger en situation de droits incomplets à l’urgence sociale et faire de celui-ci un outil de régularisation systématique, parait largement insoutenable et il s’agit d’établir un consensus républicain sur cette question pour sortir de conflits incessants.
 

2.   L’étranger à la rue ou l’impossible et pourtant nécessaire consensus républicain sur l’immigration

 

A.   L’hébergement des migrants cristallise nos non-choix : Quelle place pour les étrangers et quelles migrations ?

A travers une modeste sociogenèse de l’hébergement des migrants, il convient de noter la progression des places ouvertes faite en la matière. 
Les camps de Roms et des migrants, les installations de rue choquent à juste titre. 
L’hébergement de 150 000 étrangers chaque nuit (urgence CADA, CAES,…) constitue-t-il un scandale parce qu’on attire de nouveaux arrivants, ou parce que « ce n’est pas assez » ?

Mais il faudrait pouvoir aborder la question de l’arrivée, des filières, de la qualité de l’accueil, de l’autorisation de présence au regard des enjeux économiques, humanitaires mais aussi politiques, de l’intégration, de la lutte contre les discriminations, comme autant de questions sociétales françaises et européennes. Ces questions méritent un débat citoyen large.
 

La France ne serait pas ce qu’elle est économiquement, socialement, mondialement si elle n’avait pas été depuis 150 ans le deuxième pays d’immigration au monde : plus de 30 millions d’entre nous comptent une personne née à l’étranger dans leur ascendance récente selon la dernière étude de Dominique Schnapper.

 
La France ne serait pas cette République humaniste et solidaire, si, chaque année, la protection internationale, le droit de vivre en famille, la possibilité d’étudier en France ne conduisaient à accepter l’entrée de dizaines de milliers de personnes, et avec une constance de flux étonnante depuis 45 ans, autour de 150 000 titres annuels permanents, quand on s’enorgueillit d’accueillir 80 000 000 de touristes…

Et pourtant aujourd’hui il n’existe aucun compromis entre ceux qui veulent fermer l’accès du pays, et ceux qui considèrent que l’on est régularisable automatiquement après quelques mois de séjour.

Au moment où l’excédent démographique naturel diminue de 30 %, où le solde migratoire devient faible, le débat redouble paradoxalement de vigueur, et la défense du mode de vie majoritaire devient plus importante que l’adhésion aux valeurs de la République, jusqu’à présent, seule demande aux migrants. Bref, il est effectivement urgent de reconnaitre le droit du peuple à définir à quelles conditions on peut séjourner en France, tout en alimentant ce débat par une approche démographique, économique et en le rattachant à nos valeurs humanistes.
 

Dans ce débat citoyen avec les politiques où chacun doit s’engager, les opérateurs de l’État ont toute leur place. Mais il s’agit bien de trouver le juste équilibre pour concilier loyauté dans l’exécution des missions confiées, notamment de l’hébergement d’urgence et autonomie de l’association, en privilégiant aussi le bien-être des salariés, porteurs d’un métier qui ne peut être ni l’auxiliaire d’un autre, ni son opposant.

En bref, il faut trouver un compromis républicain sur la conciliation entre le droit au séjour et l’hébergement humanitaire.
 

B.   Hébergement d’urgence « humanitaire »

Surmonter le débat entre hébergement inconditionnel et anonyme, et obligation de la régularité de séjour.
Il s’agit d’aborder deux moments dans l’itinéraire de personnes ayant échoué à faire valoir leur droit au séjour.
 

1.   Mobiliser le savoir-faire des associations suivant les migrants lorsque les autorités publiques compétentes examinent les demandes d’admission au séjour à titre humanitaire
 

À l’évidence, l’accompagnement de familles, la connaissance fine des fragilités et des potentiels des personnes concernées, celle des risques familiaux ou de voisinage en cas de retour comme en cas de maintien dans la clandestinité, devraient être mieux utilisés par les services administratifs responsables.

Des expériences ont déjà eu lieu dans des départements où le corps préfectoral, lui-même, sollicitait les associations reconnues pour leur expertise sociale lorsqu’il examinait les conditions de régularisation au regard des critères humanitaires et au regard des conséquences de ses décisions sur l’équilibre social des territoires.

Pour que cette dynamique prenne toute son efficacité, il s’agit bien à la fois d’unifier les pratiques départementales et que le corps préfectoral se saisisse personnellement de ces situations dans un dialogue confiant avec les associations.

 

2.   L’hébergement récurrent de personnes demeurant en irrégularité de séjour après épuisement des voies de recours et des démarches humanitaires

Quelle que soit l’issue d’une réflexion sur la recherche d’un consensus républicain sur ce sujet, il faut mettre un terme à l’opposition pluri-décennale entre partenaires sur l’accès et le maintien des personnes sans titre de séjour dans l’hébergement d’urgence, particulièrement sur le long terme, source de tension dont on ne voit pas la fin à législation constante et dont l’une des issues pourrait être l’étatisation du traitement de ces situations, ce qui poserait d’autres problèmes sans doute.

Il faut attirer l’attention sur la charge sociale pour l’équilibre des quartiers que constitue la présence de populations non déclarées hébergées dans un cadre communautaire et familial et les risques encourus par ces personnes au regard de l’exploitation humaine et du travail non déclaré.

Une voie de résolution de ces situations pourrait être cependant constituée par le recours aux initiatives citoyennes et associatives qui œuvrent déjà dans de nombreux territoires en faveur de la mise à l’abri humanitaire de migrants en difficulté de séjour, qu’ils s’agissent de structures à caractère religieux ou fondées sur les valeurs de droits humains.

Cette orientation, outre qu’elle offrirait un cadre de tolérance à l’action caritative et militante de citoyens engagés, qu’elle mobilise des territoires volontaires ce qui rend la présence de migrants acceptée, offre des solutions d’hébergement dignes ;  cette démarche suscite beaucoup d’intérêts dans plusieurs secteurs de l’opinion et, par son organisation même « dénationalise » la question, rend aux citoyens l’initiative d’une solidarité fidèle aux valeurs de la République, cesse de mettre l’Etat en première ligne sur ce sujet.

Elle offre aux associations gérant l’urgence aussi une possibilité de sortie pour ceux qui ont épuisé toutes les possibilités de maintien sur le territoire.

Il s’agit bien dans toutes les situations de s’organiser pour qu’on puisse continuer à dire qu’en France, personne ne meurt de faim ou de froid.

Après 30 ans de débat sur ce sujet, il est temps d’échapper à la malédiction bien française : « pérennité des problèmes, rareté des solutions ».

                                                                                                                                                          Hubert Valade
                                                                                                                                                          Président de France Horizon

                                                                                                                                                          Nabil Neffati
                                                                                                                                                          Directeur général
 

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